Auteur : Franck Pavloff
Lecture : Jacques Bonaffe & Denis Podalydes
Musique : Christian Zanesi & Bruno Letort
-France Inter / Nocturne.
-(Collection Nocturne NT 021).
-2002.
Les jambes allongées au soleil, on ne parlait pas vraiment avec Charlie, on échangeait des pensées qui nous couraient dans la tête, sans bien faire attention à ce que l'autre racontait de son côté. Des moments agréables où on laissait filer le temps en sirotant un café. Lorsqu'il m'a dit qu'il avait dû faire piquer son chien, ça m'a surpris, mais sans plus. C'est toujours triste un clebs qui vieillit mal, mais passé quinze ans, il faut se faire à l'idee qu'un jour ou l'autre il va mourir.
- Tu comprends, je pouvais pas le faire passer
pour un brun.
- Ben, un labrador, c'est pas trop sa couleur, mais
il avait quoi comme maladie ?
- C'est pas la question, c'était pas un chien brun,
c'est tout.
- Mince alors, comme pour les chats, maintenant ?
- Oui, pareil.
Pour les chats, j'étais au courant. Le mois dernier, j'avais dû
me débarrasser du mien, un de gouttière qui avait eu la mauvaise
idée de naître blanc, taché de noir. C'est vrai que
la surpopulation des chats devenait insupportable, et que d'après
ce que les scientifiques de l'Etat national disaient, il valait mieux garder
les bruns. Que des bruns. Tous les tests de sélection prouvaient
qu'ils s'adaptaient mieux à notre vie citadine, qu'ils avaient des
portées peu nombreuses et qu'ils mangeaient beaucoup moins. Ma fois
un chat c'est un chat, et comme il fallait bien résoudre le problème
d'une façon ou d'une autre, va pour le décret qui instaurait
la suppression des chats qui n'étaient pas bruns. Les milices de
la ville distribuaient gratuitement des boulettes d'arsenic. Mélangées
à la patée, elles expédiaient les matous en moins
de deux. Mon coeur s'était serré, puis on oublie vite.